dimanche 7 mai 2017

La Russie : « Si vous prenez l’Est de la Syrie, je prendrai un port yéménite »



Les États-Unis quitteront-ils la Syrie, si cela évite une flotte russe installée au Yémen ?
La question semble étrange, mais si la Russie réussit ses négociations sur le Yémen, elle se posera bientôt. Une publication des néoconservateurs états-uniens a récemment fait connaître une nouvelle intéressante, mais de source peu sûre, sur le Yémen.

La Russie joue le rôle de médiateur dans des négociations pour une solution politique au conflit du Yémen, hors des canaux de l’ONU, ce qui pourrait être un moyen d’installer des bases navales au Yémen. La Russie poursuit des négociations politiques avec les Émirats arabes unis et l’ancien président yéménite, Ali Abdullah Saleh, en commençant par discuter du futur gouvernement yéménite. Le soutien de Saleh envers les Houthis est essentiel pour que le groupe Houthis/Saleh conserve son influence sur le nord et le centre du Yémen. Les Émirats arabes unis peuvent voir ce règlement comme un moyen d’arrêter l’expansion de l’influence de l’Iran au Yémen et de limiter les coûts supplémentaires associés à la guerre. Saleh avait déjà exprimé sa volonté d’accorder des droits pour l’installation de bases militaires russes au Yémen. Une base permettrait à la Russie de projeter son pouvoir dans l’une des voies de transit maritime les plus fréquentées au monde, qui mène à la mer Rouge et au détroit de Bab al Mandab, un goulet maritime mondial.
En août 2016, l’ancien président yéménite Saleh avait effectivement fait une offre à la Russie :
« Dans la lutte contre le terrorisme, nous joignons nos efforts et offrons toutes les installations. Nos aéroports, nos ports… Nous sommes prêts à fournir cela à la Fédération de Russie », a déclaré Saleh dans une interview à Sanaa.
Personne (sauf la Russie?) n’a pris Saleh au sérieux à ce moment-là. Il n’était pas, et n’est toujours pas, en mesure de maîtriser Aden, dans le sud du Yémen, ni aucun autre port Yéménite pertinent.
J’ai également douté de ce récent rapport. Effectivement, jusqu’au début des années 1990, l’Union soviétique avait des bases dans le sud du Yémen et des milliers de conseillers et formateurs militaires travaillaient dans le pays. Mais la Russie n’a actuellement pas les ressources navales, ni d’intérêt immédiat, pour ouvrir une nouvelle base dans la région. En tous cas, je le pensais.
Mais une source bien informée au Yémen a dissipé mes doutes. Elle a confirmé le rapport. La Russie négocie avec les Émirats arabes unis, l’alliance Houthis/Saleh et les différents groupes du Sud Yémen, au sujet d’un accord de paix et le fait depuis six mois. L’accord comprendrait des droits de base à Aden pour la marine russe.
 
Les signaux lumineux doivent clignoter au CENTCOM, au Pentagone et au Conseil national de sécurité. Au cours des vingt-cinq dernières années, la mer d’Arabie, le golfe d’Aden et la mer Rouge étaient principalement contrôlés par les États-Unis. Que la Chine ait récemment ouvert une base de « lutte contre la piraterie » à Djibouti suscite déjà des inquiétudes. Et maintenant, voilà les Russes qui arrivent !!!
La guerre saoudienne contre le Yémen, soutenue activement par les États-Unis, ne mène nulle part. Les Saoudiens perdent quotidiennement des soldats, à cause d’incursions yéménites (vidéo) dans le sud de l’Arabie saoudite. Il n’y a aucune chance que les forces soutenues par l’Arabie saoudite puissent s’emparer de la région contrôlée par les Houtis/Saleh, au nord du Yémen, ni sa capitale, Sanaa. Les Émirats arabes unis ont soutenu la guerre saoudienne avec des forces capables. Mais les Émirats arabes unis ne veulent que le port d’Aden et ses installations de chargement de pétrole à proximité, pour son entreprise de gestion portuaire DP World. Les Saoudiens veulent que les ports soient des débouchés pour leurs exportations de pétrole, loin de leurs ports du Golfe Persique, que l’Iran pourrait facilement bloquer. Mais ils veulent aussi contrôler tout le Yémen.
Les Saoudiens ont engagé al-Qaïda au Yémen, comme force combattante proxy. Mais ni les États-Unis, ni les Émirats arabes unis n’adhèrent à ce stratagème. Les forces des EAU au Yémen ont été attaquées par al-Qaïda. Les États-Unis craignent qu’elle ne devienne au Yémen une source potentielle d’attaques internationales. Depuis le début de l’année, les forces spéciales des États-Unis et des EAU attaquent ou bombardent un certain nombre de zones tenues par al-Qaïda au Yémen. Les Saoudiens ont été surpris, mais n’ont pas pu protester. Al-Qaïda était leur dernier joker dans le jeu. Ils l’ont perdu.
Les Saoudiens font marche arrière sur leur plan d’invasion d’Hodeidah, port situé sur la côte de la mer Rouge. Le port est actuellement le seul, par lequel l’aide alimentaire est expédiée dans les régions du nord, assiégées et affamées. L’ONU a protesté contre toute attaque et les États-Unis ont retiré leur soutien à l’opération. Les Houthis et Saleh accepteront vraisemblablement un contrôle de l’ONU sur le port. Alors que les Saoudiens prétendent que celui-ci est utilisé pour la contrebande d’armes en provenance d’Iran, les Houthis savent bien que ce n’est pas le cas.
La peur saoudienne d’une forteresse iranienne au Yémen est sans fondement. Le prétendu soutien iranien aux Houthis n’a jamais été prouvé concrètement. Au cours de ces plus de deux années de guerre, aucun Iranien n’a été tué, capturé ou même vu au Yémen. Les missiles balistiques utilisés par les Houthis contre l’Arabie saoudite sont des vieux modèles soviétiques, dont des missiles de défense aérienne SA-2 / S-75 modifiés localement. L’armée yéménite en avait acheté et caché beaucoup, alors que l’Iran n’en a jamais acquis ni utilisé. Les fournitures militaires qu’utilisent les Houthis ne sont pas d’origine iranienne, mais ont été volées aux livraisons saoudiennes à leurs combattants proxy du Yémen. Les Houthis se contentent de capturer, ou même d’acheter, tout ce dont ils ont besoin.
Des manifestations récentes ont eu lieu à Aden contre l’actuel président du Yémen, la marionnette des États-Unis/saoudiens, Hadi. Il y a résidé pendant quelques semaines, mais a dû fuir pour rejoindre sa suite dans un hôtel de luxe à Riyad, en Arabie Saoudite. Alors que Hadi contrôle et est officiellement responsable d’Aden, aucun salaire gouvernemental n’a été payé, les services publics sont fermés et divers gangs se battent pour contrôler les quartiers de la ville. Le siège du parti Islah, aligné sur les Frères musulmans et qui soutient Hadi, a été incendié.
Les Émirats Arabes Unis commencent à en avoir assez :
Les Émiratis commencent à se fatiguer de ces querelles. Les dirigeants, qui espéraient qu’Aden soit un modèle pour le reste du Yémen, craignent maintenant que laisser le sud en mode pilote automatique ne puisse que condamner le pays à l’instabilité. Et cela pourrait gagner toute la péninsule arabique. Des milliers de combattants qu’ils ont formés ont fui (après avoir récolté leur salaire). Motiver les recrues à s’aventurer vers le nord est une tâche difficile, même avec la promesse de primes. Ceux qui étaient heureux de se battre pour leur propre maison semblent peu enthousiastes à se battre pour celle de quelqu’un d’autre.
Si l’alliance Saleh/Houthi peut faire la paix avec les mouvements du sud qui ont soutenu jusqu’à présent Hadi, la guerre peut se terminer en quelques mois. La Russie peut modérer les négociations et fournir, dans une certaine mesure, des garanties. Contrairement aux États-Unis, elle est perçue comme neutre et sobre, par toutes les parties en conflit. Les EAU et les Saoudiens devront payer le carnage qu’ils ont causé. Les Émirats arabes unis obtiendront probablement les droits commerciaux du port d’Aden pour les affaires de DP World. Les Saoudiens n’obtiendront qu’une certaine paix à l’intérieur de leurs frontières. Mais en ce moment, les Saoudiens seraient susceptibles d’accepter un tel accord – ne serait-ce que pour garder la face et terminer cette calamiteuse aventure au Yémen.
En ce qui concerne le port naval et les droits de base russes, ce seront d’excellents atouts dans les négociations sur la Syrie avec les États-Unis. Si ceux-ci insistent sur le contrôle de la Syrie orientale, les Russes peuvent envoyer des sous-marins, un destroyer et d’autres combattants à Aden et installer des défenses aériennes et maritimes, très capables de garder leurs navires et le port en toute sécurité. Si les États-Unis acceptent de quitter la Syrie, seule une petite corvette russe rouillée sera basée à Aden, sans défense aérienne, et cela suffirait probablement. Le Pentagone et la Maison Blanche auraient un choix à faire : garder la primauté sur les mers de la région ou avoir la menace constante d’une « flotte russe » sur le dos. Est-ce qu’une occupation, pleine de problèmes, de la Syrie Orientale en vaut vraiment la chandelle ?
Par Moon of Alabama – Le 29 avril 2017



À Aden, les pro et anti-Hadi se livrent à des combats d’une violence inouïe. (Photo d’archives)
À Aden, les pro et anti-Hadi se livrent à des combats d’une violence inouïe. 

Selon les sources locales au Yémen, de très violents affrontements se poursuivent à Aden entre les mercenaires, les uns liés à Riyad, les autres, à Abou Dhabi.
Le siège du Congrès yéménite pour la réforme (Islah), parti se revendiquant des Frères musulmans et qui est désormais un allié de Riyad, a été incendié par les mercenaires des Émirats arabes unis.
Les tensions à Aden, « siège du gouvernement » fantoche du président démissionnaire Mansour Hadi, ont éclaté il y a quatre semaines, quand ce dernier a décidé de limoger le gouverneur pro-émirati du port du Sud yéménite. Le siège du parti, situé dans la localité de Kritar, a fait l’objet d’un assaut nocturne, les gardiens ayant également été enlevés par les assaillants.
Selon le site almashhad-alyemeni, Aden, déjà le théâtre d’assassinats ciblés, d’attentats et de règlements de compte, connaît une nouvelle recrudescence de violences depuis que le président démissionnaire multiplie les décisions allant à rebours des intérêts d’Abou Dhabi. Les manifestations se multiplient pour exiger « le départ de Hadi », dont les portraits sont brûlés par les manifestants. 
La coalition, qui poursuit sans répit son agression contre le Yémen depuis 2015, est scindée en deux : les Émirats arabes unis ne tolèrent pas l’alliance de Riyad avec les « fréristes d'Islah » et les décisions qu’une telle alliance a déclenchée dans sa foulée. 
Le port d’Aden est depuis le début de l’année 2016 aux mains de Hadi et de ses mercenaires. Outre l’insécurité, la population souffre aussi de pénurie de denrées alimentaires et les mercenaires se plaignent fréquemment des arriérés de paiement.
Selon les médias russes, le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, s’est entretenu avec son homologue iranien, le général Hossein Dehqan, au sujet des dernières évolutions en Syrie, au moment où une trêve élargie entre en vigueur dans quatre grandes provinces syriennes.
Ria Novosti, qui rapporte cette information, affirme que les entretiens portaient essentiellement sur les quatre zones de désescalade à mettre en place en Syrie, un plan élaboré par les Russes et signé à Astana par l’Iran, qui représente l’axe de la Résistance, et par la Turquie, qui représente les groupes armés.
Le ministre russe de la Défense a dans le même temps reçu son homologue turc Fikri Isik, également au sujet de ce plan. 
Toujours d’après cette information, le général Choïgou s’apprête à se rendre dans les Territoires occupés palestiniens, où il entend rencontrer le ministre israélien des Affaires militaires et s’entretenir avec lui de l’initiative russe. L’une des quatre zones concernées par le plan russe se trouve dans le sud de la Syrie, région limitrophe du sud du Liban et du nord d’Israël. C’est une vaste zone qui couvre, entre autres, Quneitra, le Qalamoun et le Golan occupé, où Israël et la Jordanie agissent contre l’armée syrienne et le Hezbollah par terroristes takfiristes interposés. La visite de Choïgou en Israël intervient alors que le régime israélien a mené depuis 2011 plus de 20 frappes aériennes ou balistiques contre le territoire syrien.
Ces dernières semaines, plusieurs tirs de missiles israéliens ont d’ailleurs visé les positions de l’armée syrienne dans le sud de la Syrie. La dernière frappe, elle, a visé l’aéroport international de Damas. Ces attaques consécutives ont valu à Israël la convocation de son ambassadeur en poste à Moscou au ministère russe des Affaires étrangères. Avant son départ pour Israël, Choïgou a annoncé qu’il existe une très bonne coopération entre les renseignements russe, turc et iranien en Syrie, ce qui laisse entendre que le plan russe a des chances de réussir.
Depuis le 1er mai, la Russie a cessé de bombarder Idlib, Homs, la Ghouta orientale et le Sud syrien, soit les régions incluses dans le plan, tout en affirmant qu’elle n’hésiterait pas à reprendre ses raids à la moindre violation commise par les terroristes.
Quelque 42 000 terroristes se trouvent dans les quatre régions précitées, dont 14 500 à Idlib et 15 000 sur les frontières jordaniennes. Ces terroristes n’ont toujours pas officiellement donné leur feu vert à l’accord en question et attendent sans doute les ordres des parties qui les soutiennent (Riyad, Doha, Amman...). Le ministère russe de la Défense a très clairement annoncé dans un communiqué que la mise en place de ces zones ne signifiait nullement « la fin de la guerre contre le terrorisme », car l’armée syrienne « poursuivra ses opérations au sol contre les groupes armés même dans les régions concernées par la trêve ».


Hannibal GENSERIC