lundi 26 septembre 2016

L'Empire malade

Qu'y a-t-il de commun entre un veto présidentiel suicidaire, une fronde militaire, un débat télévisé, un appareil de propagande chaque fois plus hystérique, une alliance bancaire ou encore une panique onusienne sur la Syrie ?

Commençons par l'inimaginable. Il y a un peu plus de deux semaines, nous écrivions :

Fin de mandat bien sombre pour l'occupant de la Maison Blanche... La Chambre des représentants vient de voter, dans un tonnerre d'applaudissements, une loi autorisant les citoyens américains à poursuivre en justice l'Arabie Saoudite pour les attaques du 11 septembre 2001. Le Sénat avait déjà approuvé à l'unanimité la dite loi en mai et celle-ci, ceinte du sceau du Congrès US dans son entier, se retrouve maintenant sur le bureau d'Obama.

Et là, Barack à frites se retrouve dans une véritable impasse. Guère étonnant qu'il ait tout fait pour que le vote n'ait pas lieu, car quoiqu'il fasse maintenant, il est perdant.

- S'il met son veto, c'est sa propre descente aux enfers.

On imagine la fureur indignée des familles des victimes s'étendre comme une traînée de poudre à la population américaine toute entière. Obama restera dans l'histoire comme le président ayant protégé les responsables du 11 septembre, ayant choisi les terroristes au détriment de ses propres concitoyens. En un mot, un simple traître...

Le camp démocrate serait également sens dessus dessous puisque tous ses députés et sénateurs ont voté en faveur de la loi. Et tout cela à deux mois de l'élection présidentielle où l'hilarante est en difficulté (sondages favorables à Trump, casseroles qui n'en finissent pas, prochaines révélations wikileaks...)

Le pire est que, malgré le veto présidentiel, la loi peut tout de même être approuvée si le Congrès la revote aux deux tiers, ce qui est une quasi certitude et constituerait une double humiliation pour Obama. Pour une sortie, c'est raté...

- S'il n'oppose pas son veto, c'est une marche de plus dans le déclin américain.

Les Saoudiens sont absolument furieux, on l'imagine aisément. Or les grassouillets cheikhs détiennent des moyens de pression sur Washington (...) Gageons que les menaces de Riyad ne s'arrêtent pas aux simples bons du trésor US mais touchent à quelque chose de bien plus fondamental : le pétrodollar, assise de l'hégémonie américaine durant des décennies.
Eh bien, il l'a fait ! Barack à frites a opposé son veto au vote unanime du Congrès américain. On imagine le soulagement des secteurs néo-cons/CIA et la stupeur chez tous les autres. Ce, au moment même où l'implication saoudienne devient un secret de polichinelle dans le grand public (voir par exemple la publication de ce témoignage d'un prisonnier de Guantanamo mettant en cause la famille royale).
Le pétrodollar a décidément ses raisons... Et comme la domination universelle du billet vert a toujours plus de plomb dans l'aile, l'empire s'arc-boute sur ce qu'il peut encore sauver.
Après le système financier parallèle mis lentement mais sûrement en place par les BRICS, l'irrésistible ascension du yuan, la dédollarisation des échanges bilatéraux entre un nombre croissant de pays, la dernière menace en date est technologique. Un certain nombre de systèmes sont en train d'émerger permettant aux grandes banques mondiales de passer des transactions directes entre elles, court-circuitant le dollar et le système bancaire US qui jouait jusqu'ici le rôle d'intermédiaire nécessaire. Ripple est un système de règlements bruts en temps réel, sécurisé et quasiment gratuit ; plusieurs banques ont rejoint ce protocole de paiement, dont quinze japonaises fin août. Le jour suivant, on apprenait que quatre mastodontes (Deutsche Bank, UBS, Santander...) montaient leur propre système de paiements directs, évitant lui aussi de passer par le système financier états-unien.
C'est un danger mortel qui guette l'hégémonie du dollar, partant la puissance de l'empire. On comprend mieux pourquoi Obama a mis toute fierté de côté pour embrasser le royal arrière-train saoudien...
L'empire malade
L'empire est en mode panique, tout est en train de lui échapper et pas seulement la domination financière. En Syrie, la rupture du cessez-le-feu a vu une progression assez fulgurante des loyalistes et l'affolement généralisé de la bande sunnito-occidentale. La session de l'ONU, lors de laquelle les Américains et leurs hommes de paille européens viennent de péter une veinule, est là pour le prouver (notez le titre ahurissant de propagande du Fig à rot : les trois suspects habituels soutiens aux barbus devenant soudain "l'ONU" dans son entier !) Non contents de ne pas faire amende honorable après leur ""bourde"" de Deir ez-Zoor, les Etats-Unis semblent vouloir doubler la mise de manière quelque peu désespérée.
Et suicidaire, car ils tombent le masque. Plus personne ne croit à la farce des "modérés" et, sur le terrain, les instructeurs US ont même saboté l'entraînement des rebelles qu'ils savaient être djihadistes (texte complet ici). Une nouvelle fronde au sein de l'armée américaine qui n'est pas sans rappeler celle qui avait déjà eu lieu en 2013...
L'empire malade
Peut-être cette hystérie impériale a-t-elle un rapport avec les mauvais sondages de l'hilarante
vraiefaucon. Durant des mois, l'on se demandait si le 3+1 aurait le temps d'en finir avec la rébellion djihadiste avant l'élection présidentielle américaine et une éventuelle victoire de la petite chérie des Saoudiens. Mais la question est à double-tranchant et peut être sérieusement posée dans l'autre sens dorénavant : l'empire tente-t-il un dernier baroud d'honneur avant une éventuelle victoire de Trump ? On sait que s'il est élu, le Donald lâchera définitivement les barbus. Le premier débat de lundi soir vaudra en tout cas son pesant de cacahuètes, à condition que Clinton ne s'évanouisse pas en direct...
A mesure que les mauvaises nouvelles pour l'empire tombent avec une fréquence accrue, la MSN s'hystérise toujours plus. Le point Godwin a été atteint par une journaliste de CNN (ça alors, quelle surprise) qui s'est demandé sans rire si les attaques de la semaine dernière aux Etats-Unis n'étaient pas le fait des Russes ! Et cette même volaille journalistique s'étonne ensuite que la méfiance envers le système médiatique atteigne des records.