lundi 12 octobre 2015

OTAN vs Russie en Syrie : le jeu des cinq erreurs



La première semaine de l’engagement des forces aériennes russes contre État islamique en Syrie est déjà derrière nous. Et la première chose qui saute aux yeux est l’efficacité dont l’aviation russe a fait preuve au combat. On pourrait dire que la Russie a commencé à se battre sans préparation ou, comme l’on dit dans la Navy, au pied levé. Mais même les premières sorties des avions russes sur les positions de État islamique ont montré qu’ils n’y allaient pas sur une décision soudaine du Kremlin, prise sous la pression des événements. L’intervention russe en Syrie a été mise au point depuis un moment, au plus tard au début de l’été, et de nombreux indices nous le prouvent.
Tout d’abord, l’impact des frappes russes.

Tirer en plein dans la cible

Dès le premier jour – comptons du 30 septembre, 15:00 au 1er octobre, 15:00 – 28 sorties ont été menées, dont 8 sorties nocturnes. Résultat : au moins 12 des cibles visées ont été totalement détruites. Compte tenu que plusieurs de ces sorties étaient des reconnaissances et du soutien, visant à couvrir les groupes d’assaut, nous constatons une efficacité rare dans l’aviation moderne. Et ce qui est remarquable, c’est que les Russes n’ont eu aucune perte. Pas même une rayure sur la peinture de leurs avions.

Ces derniers jours, les frappes ont continué à être aussi efficaces, et les Russes n’ont toujours pas enregistré la moindre perte. Or les unités de État islamique, qui aujourd’hui sont devenues une véritable armée grâce à l’aide et au soutien américain, ont des équipements sol-air plutôt efficaces, pris sur l’armée irakienne.

Tirer, mais surtout ne pas faire de mal

Comme l’on dit : tout est relatif. La Russie n’a pas commencé la guerre en Syrie, d’autres s’en sont bien chargés, ceux-là même qui ont lancé des opérations aériennes contre État islamique (mis hors-la-loi en Russie sur décision de la Cour suprême). Et quel a été le résultat ?

La coalition anti-terroriste menée par les États-Unis, qui comprenait également Bahreïn, la Jordanie, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite [en tout 62 pays !, NdT], a attaqué les positions d’État islamique durant toute une année. Coïncidence à noter, la coalition a lancé sa première frappe aérienne fin septembre… 2014.

Pendant tout ce temps, selon un rapport du Pentagone, la coalition a réalisé plus de 2 000 sorties, surtout en Irak. Au prix d’énormes efforts, la coalition a réussi à chasser les militants d’État islamique hors de Bagdad, militants qui étaient séparés de leurs avant-gardes de 300 kilomètres environ, et a récupéré à peu près le tiers du territoire irakien capturé par les terroristes.

Pendant cette période, les pertes d’État islamique sont estimées au mieux à 20 000 personnes et une centaine de chars, de canons auto-portés et de véhicules blindés divers. En gros, pas plus de 2 soldats tués et 0,05 véhicules de combat détruits par sortie. Et chaque sortie ne coûte pas moins de 50 000 dollars. Aucun objectif significatif pour les terroristes n’a été détruit, et pas un de leurs chefs n’a été touché.

Un monde de contrastes : les cinq différences

Alors, où est la différence ? Pourquoi les actions de la coalition, menées par la première armée du monde, dont la force la plus importante est justement l’aviation, ont-elle été si peu efficaces ?

1. – Les États-Unis ont négocié la mise sur pied de cette coalition anti-terroriste depuis longtemps avec leurs futurs alliés.

Il y a eu beaucoup de rhétorique, une propagande massive, et l’encre des documents officiels était à peine sèche que les actions commençaient. Dès les premières heures, il était devenu clair que les forces coalisées n’avaient aucun plan détaillé d’opérations, étaient très mal coordonnées, et plus important encore, n’avaient qu’une vague idée de ce qu’elles affrontaient.

Ce pari a été tenu plus pour des raisons psychologiques, l’idée étant de démoraliser les combattants d’État islamique, mais pas de leur causer des pertes importantes. Résultat d’un renseignement insuffisant, l’essentiel des frappes coalisées a eu lieu sur de petites cibles, insignifiantes, qui ont même été manquées dans certains cas. Ce sont les civils qui ont trinqué.

Et la propagande habituelle des États-Unis et de leurs alliés continue. Un exemple : le 3 octobre, une frappe chirurgicale [sur un hôpital, humour noir ?, NdT] de l’Otan en Afghanistan a détruit l’hôpital de Médecins Sans Frontières, près de Kunduz.

La destruction, par un drone américain, de deux bulldozers appartenant de toute évidence aux troupes d’État islamique est considérée comme un succès. L’armée russe a longuement et soigneusement préparé son intervention, se concentrant avant tout sur le côté militaire plutôt que sur la politique et la propagande.

Cela concerne d’abord les activités de renseignement. La Russie a élargi ses contacts militaires avec ses alliés, a créé un vaste réseau de renseignement, comme on a pu le comprendre d’après la précision et l’efficacité de ses frappes. Bien avant le début de leur intervention, les forces russes et leurs alliés ont établi une liste de cibles, classées par ordre d’importance, de priorités et d’effets négatifs possibles sur les militants d’État islamique. Avec, comme but, leur éradication.

2. – Si vous examinez la tactique de l’armée américaine depuis l’opération Tempête du Désert, vous ne verrez pas beaucoup de changements. Les Américains continuent à tout miser sur des frappes aériennes massives, lancées à distance de sécurité, souvent sans même entrer dans la zone couverte par les défenses anti-aériennes de l’ennemi, grâce à l’emploi de coûteuses munitions de précision. Récemment, on a beaucoup parlé de la guerre des drones. Les deux n’ont qu’une faible efficacité et entraînent de fréquentes erreurs dans l’identification des cibles.
 

Mêmes remarques, pour les nouveaux équipements et les nouvelles armes. Le choix d’envoyer des armes magiques – le F-22 Raptor et le F-35 Lightning II – n’est pas justifié. D’un coût extrêmement élevé en développement et en opérations, ces avions sont nus et incomplets. De plus, ils sont prévus pour affronter une armée ennemie équivalente, et non des groupes de terroristes. Pour ces systèmes d’armes, il n’y a tout simplement pas de cibles en opérations anti-terroristes.

Plus précisément, si, il y a une cible, mais il faut la chercher, cette cible n’est pas sur le champ de bataille. Nous y reviendrons. En fait la coalition combat avec les armes et la technologie des années 1970. Les Américains et leurs alliés ont échoué à s’adapter aux tactiques des terroristes, et ils espèrent bien confier la guerre à d’autres.

En entrant pour la seconde fois en Irak, avec une continuité maniaque, les Américains ont refait les mêmes erreurs que la première fois, erreurs qu’ils répètent aussi en Afghanistan. Et toujours, ils nous resservent les mêmes tactiques en Irak, en Libye et en Syrie, ils ratissent. L’armée russe, elle, a montré combien elle pouvait apprendre vite des campagnes du passé, et qu’elle pouvait en tirer les conclusions qui s’imposent.

Rappelons-nous seulement la guerre d’août 2008 en Ossétie du Sud. Les Russes avaient perdu six avions : trois Su-25, deux Su-24 et un Tu-22M3. Si le Su-25 est un avion d’attaque au sol, qui vole au-dessous de Mach-1 et opère à des altitudes basses, ce qui le rend très vulnérable, le Su-24 et le Tu-22 sont des bombardiers supersoniques, avec tout ce qu’il faut pour venir à bout des défenses sol-air de l’ennemi. Pour seulement cinq jours de combats, de telles pertes sont tout simplement un désastre.

Désormais, les forces aériennes russes, et notamment les forces aérospatiales, ont abordé la question beaucoup plus sérieusement et ont réfléchi, non seulement à leurs erreurs, mais aussi aux erreurs des partenaires occidentaux. Elles ont de nouveaux avions, comme le bombardier d’appui aérien rapproché Su-34, le Su-35 et le Su-25, qui ont été considérablement modifiés. Concernant les toutes dernières munitions développées pour ces avions, l’accent n’est pas mis sur la quantité de technologies coûteuses et dernier cri, mais sur l’efficacité optimale, à un coût raisonnable et pour une adaptation aux guerres modernes de basse intensité.

Ce sont ces armes qui sont aujourd’hui au Moyen-Orient. De plus, l’armée russe a accordé une attention particulière aux moyens de communication pour la guerre électronique et le renseignement. Il y avait dans ce domaine des faiblesses qui ont été relevées durant le conflit sud-ossète en 2008, quand les postes de commandement communiquaient souvent entre eux par téléphone portable. Maintenant, la possibilité qu’État islamique intercepte les communications radio a été prise en compte dès la planification des sorties.

3. – La coalition occidentale n’est pas très sensible au choix des objectifs, et se préoccupe rarement de la question. Finalement, les pilotes tirent sur tout ce qui bouge, essaient de se débarrasser rapidement de leurs munitions et de ressortir au plus vite de la zone des combats sans faire de bavures. Les pilotes n’aiment pas le risque, les analyses et le renseignement pour faire des rapports de pertes. Et le Pentagone préfère suivre la ligne de moindre résistance : pour écrire un rapport bien noté, il faut trouver une foule, si possible en turbans, et mieux encore, hurlant «Allahou akbar», et frapper.

Les terroristes, eux, sont totalement insensibles à de telles tactiques, et de telles pertes d’une manière générale, et cela ne donne donc pas de résultats tangibles. C’est ce que nous voyons, en pratique. Les Russes estiment avec raison que poursuivre de simples soldats armés de fusils, comme le fait l’aviation de la coalition, est stupide et vain. Ils ont choisi une autre tactique – trouver les points faibles de l’armée d’État islamique. Comme dans toute armée qui a les caractéristiques d’une force militaire organisée, c’est l’infrastructure qui joue le rôle principal, dont dépendent la logistique, le renseignement, les communications et la chaîne de commandement (ils sont, soit dit en passant, de très haut niveau dans l’armée d’État islamique).

C’est pourquoi les premières frappes ont été ciblées sur les bunkers de commandement, les dépôts d’armes, les points de contact. En particulier, la fabrique d’explosifs au nord de Homs a été un des premiers objectifs à être détruit, puis un nœud de communications et un poste de commandement dans la même province, ainsi qu’un parking où étaient regroupés des T-55 camouflés. Cela a provoqué la panique et beaucoup plus de désertions dans les rangs des terroristes.

Et maintenant l’armée gouvernementale syrienne s’apprête à s’emparer de Palmyre, toujours tenue par État islamique. Avant cela, les positions d’État islamique ont été bombardées sans résultats par l’aviation coalisée pendant presque un mois.

4. – Chaque action de politique étrangère des États-Unis et de leurs alliés est précédée de gesticulations spectaculaires à but publicitaire. Du coup, lorsque les États-Unis se décident à y aller, même les Zoulous du KwaZoulou-Natal connaissent leurs intentions.

C’est un fait. La Russie n’a pas fait tout un spectacle de ses opérations militaires et celles-ci n’ont pas été accompagnées de discours-fleuves au sujet de la menace terroriste globale. C’est pourquoi la décision russe de lancer des frappes aériennes sur les positions d’État islamique en Syrie a fait l’effet d’une bombe.

Et ce, au sens propre et au sens figuré. Le matin du 1er octobre, moins d’un jour après le début de l’opération, les médias internationaux occidentaux ont éructé un torrent d’indignations – l’exigence que la Russie arrête tout et ne cible pas les malheureux terroristes modérés.

5. – Et maintenant, le plus important pour la fin. Les forces de la coalition ne veulent tout simplement pas mener une quelconque action décisive contre État islamique, qu’elles ont suscité, ni contre les autres terroristes. La crise au Moyen-Orient profite à la Russie. Notamment, parce qu’il est très important pour elle de revenir dans la région en tant qu’acteur de premier plan. Le moment et le lieu ont été choisis avec beaucoup de succès.

Oleg Denejka

Le 6 octobre 2015 – Source Fort Russ
http://lesakerfrancophone.net/coalition-vs-russie-en-syrie-le-jeu-des-cinq-erreurs/ 

Le bloc BAO et Daech : un coup j’te vois, un coup j’te vois pas

... Il est vrai que, durant cette année au cours de laquelle le bloc BAO, flamboyants USA en  tête, ont mené leur grande campagne contre Daesh, les résultats, – d’une maigreur de grande famine, – ont été extraordinaires d'insignifiance. On nous expliqua parfois que les groupes terroristes étaient très difficiles à identifier, sinon même à localiser, et tout le monde regretta grandement cette incroyable habileté de l’État Islamique à se balader dans le désert comme si c’était les Champs Elysées à l’heure de pointe ou le Sahara à l’heure des vents du simoun levant des tempêtes de sable aveuglant même les puissants radars et satellites.
Là-dessus, tout change. Le décompte que font l’OTAN, les USA & consorts des objectifs attaqués par les Russes est au millimètre près, et chacun parfaitement identifié comme s’il portait une affiche gigantesque destinées aux observateurs du Ciel, avec son  affiliation, da marquedéposée, etc., en arabe et en anglais (et même en russe, c'est dire). Ainsi, nos virtuoses BAO de l’identification sont capables de vous dire combien de cible-Daesh ont attaqué les Russes (en nombre ridiculement bas) et combien de cibles-“terroristes sympas”, because anti-Assad quoiqu’extrémistes comme vous et moi, ont attaqué les Russes (en nombre monstrueusement élevé). Finian Cunningham s’interroge sur cet autisme persistant du regard nébuleux suivi de l'oeil d’aigle retrouvé et y trouve matière à suspicion (sur Strategic-Culture.org, le 11 octobre 2015). On ne peut pas le lui reprocher.  
« After a year of bombing the Syrian desert with negligible results in terms of defeating terror groups – as memorably noted by Russian lawmaker Alexei Pushkov – all of a sudden the so-called anti-terror coalition led by the United States seems to have discovered a high degree of logistical precision. The US and its allies claim that Russian air strikes, commencing on September 30, have failed to hit the jihadis of Islamic State (IS, ISIS or ISIL), also known as Daesh. Russia, according to Washington and the Western news media, has been striking “moderate rebels” and civilians, and in the process shoring up the “regime” of Syrian President Bashar al-Assad.
» There’s nothing amiss under international law about supporting the sovereign government of Syria, as Russian President Vladimir Putin has recently stipulated. So let’s kick that Western objection out first of all. As for alleged civilian casualties, CNN, BBC, France 24 and so on have so far not provided one report of funerals or hospital scenes, to verify their earlier high-flown accusations. And this after more than a week since the alleged Russian “atrocities” began. But what is telling about the latest Western protests over Russia’s military intervention is the apparent omniscient precision about who and where the terror groups are.
» Washington officials and Jens Stoltenberg, the secretary-general of the US-led NATO military alliance, this week claimed that “over 90 per cent of Russian air strikes were not against ISIS or Al Qaeda”. The US and NATO’s precise enumeration chimes with that of Turkey’s Prime Minister Ahmet Davutoglu, who claimed that “only two out of 57 Russian air strikes in Syria” hit IS targets. The question that the supine Western media should be asking the NATO chief and his Washington superiors is this: if you can so clearly quantify and delineate the IS and Al Qaeda bases, then why has the US-led coalition evidently been wasting 12 months bombing empty desert spaces instead of degrading and defeating these groups, as vowed by US President Barack Obama over a year ago?
» Since September 2014, the US and some 60 other allied nations, including NATO members, as well as Saudi Arabia and Qatar, have been bombing Syria and Iraq with the stated purpose of wiping out the IS terror network. So far, more than 9,000 air strikes have been carried out by the US-led coalition, but until Russia opened up its air campaign more than a week ago, the IS and other jihadis had been steadily growing in strength and territory – despite all that US-led air power supposedly raining down on them.
» By contrast, Russia’s air strikes in Syria appear to have achieved more in one week than Washington’s coalition has in more than one year... »