vendredi 18 septembre 2015

Sondage d’opinion en Irak et en Syrie


Alors qu’une vague de réfugiés déferle en direction nord-ouest, du Moyen-Orient vers l’Europe, il n’est pas tellement surprenant d’entendre qu’une majorité d’Irakiens ou de Syriens semblent croire que leur pays va dans la mauvaise direction.
Cette information provient d’un sondage d’opinion commandé par la BBC auprès d’ORB International, qui organise des enquêtes d’opinion en Irak et en Syrie.
66% des sondés irakiens et 57% des sondés syriens pensent que leur pays va dans la mauvaise direction. Mais la lecture inverse de ces résultats est, par contre, plus choquante car elle indique qu’un quart des sondés irakiens et un tiers des syriens pensent que leur pays est sur la bonne voie.
Il est assez fascinant de constater qu’une telle enquête d’opinion a été possible vu le niveau permanent de violence et de chaos auquel sont soumis l’Irak et la Syrie.
Johnny Heald d’ORB International nous dit que son entreprise organise des sondages en Irak chaque année depuis 2005 même si, comme il l’admet lui-même, la sécurité reste un problème dans quelques gouvernorats.
Le sondage en Irak n’est pas totalement représentatif, remarque-t-il, étant donné qu’il est restreint à 10 des 18 gouvernorats car aucun sondage n’est effectué dans les trois gouvernorats kurdes ni dans quelques petits gouvernorats chiites.
Mais, argumente-t-il, la distribution géographique des sondés en Syrie donne une certaine crédibilité aux sondages syrien.
«La validité d’un sondage ne vaut que par l’échantillon sur lequel il est fait, me dit-il,  les données syriennes couvrent l’opinion des 14 gouvernorats qui forment toute la Syrie.»
«L’échantillon des sondés comprend donc les gens vivant sous le contrôle du régime en place, sous le contrôle d’État islamique, sous celui du groupe al-Nusra affilié à al-Qaida et même sous contrôle du YPG (les combattants kurdes).»
Plus de 14 chefs d’équipe et 40 enquêteurs ont voyagé à travers le pays pour collecter les données.
Trop dangereux pour sonder?
Mais comment faites-vous pour conduire un sondage dans la zone sous contrôle d’État islamique?
«Dans la région de Raqqa, sous contrôle d’EI, avant chaque visite nous rencontrons d’abord le chef de la ville et lui demandons la permission d’interviewer des gens pris au hasard, nous explique Mr Heald.
Il nous répond : tant que vous ne faites pas partie d’un média international et ne filmez pas, cela m’est égal que vous fassiez cela.
Pourquoi cette réaction? Parce que, comme le montrent les sondages, nombreux sont les habitants de Raqqa qui se considèrent plus heureux depuis qu’État islamique a pris le pouvoir.
Ils apprécient la sécurité qu’ils ressentent et voient qu’EI essaie d’aider les gens en leur fournissant électricité, nourriture et essence. C’est en tous cas une histoire qu’ils sont enthousiastes de raconter.»
Ce résultat, que l’on peut trouver assez surprenant, montre un aspect assez intéressant de ce genre de sondage.
Comme le remarque Mr Heald, ce sondage montre que «la majorité des sondés, dans les deux pays, sont opposés à EI mais pensent aussi qu’EI est un phénomène amené par des puissances étrangères»… Ce qui peut paraître, à vous comme à moi, une sorte de conspirationnisme dingue mais qui est pour eux une évidence.
«Le fait qu’une large majorité soit contre les bombardements de la coalition devrait pousser les politiques à remettre en question leur stratégie. Je crois que la ligne officielle du gouvernement britannique est que les frappes aériennes de la coalition dégradent EI. Mais même si l’on peut reconnaître que ces frappes les ralentissent, rajoute-t-il, peu de faits montrent qu’ils soient en train de perdre la guerre. Les gens ne fuient pas Raqqa à cause d’EI, ils fuient à cause des frappes de la coalition.»
Pour les stratèges occidentaux, il y a de quoi être maussade face aux résultats de ce sondage.
Plus d’un quart des sondés de Syrie considèrent encore le président Bachar al-Assad comme exerçant une influence positive sur le pays. Cependant, ce sondage d’ORB laisse entrevoir quelques points qui permettent de rester optimiste.
«La majorité, à la fois en Irak et en Syrie, est opposée à la dislocation de leur pays. Nous assure Mr Heald Cette majorité pense que, malgré les différences idéologiques, ils sont plus fort ensemble qu’en se battant l’un contre l’autre. L’identification à une citoyenneté irakienne ou syrienne est préférée à une identification sunnite ou chiite
Mais que vaut vraiment un tel sondage d’opinion? Mr Heald est un sondeur qui ne va sûrement pas dévaluer son propre business.
Mais il marque un point en faisant remarquer que «les stratèges doivent comprendre l’opinion publique de ces pays. État islamique a une stratégie de communication extrêmement bien ficelée. Nos politiques et dirigeants militaires doivent donc suivre l’opinion publique pour comprendre les cœurs et les esprits ainsi que leurs évolutions.» Il y a quand même des actions significatives exercées sur ces pays, qu’elles soient sous forme d’aide, de communication, ou militaires. Il n’y a que grâce aux sondages d’opinion que l’on pourra mesurer leur efficacité et déterminer lesquelles peuvent arriver à faire changer les comportements.»
Quelques résultats bruts de ce sondage :

En Irak

Sur 1 234 sondés
66% pensent que leur pays va dans la mauvaise direction
90% pensent qu’une solution diplomatique peut résoudre les différents dans le pays
84% pensent qu’EI a une influence extrêmement négative
56% sont opposés à des frappes de la coalition.

En Syrie.

Sur 1365 sondés
57% pensent que leur pays va dans la mauvaise direction
50% sont opposés à des frappes de la coalition.
48% pensent qu’EI a une influence extrêmement négative
21% préfèrent la vie actuelle à celle d’avant la guerre

Les résultats complets de ce sondage :
Par Jonathan Marcus – Le 9 septembre 2015 – Source BBC

Par Jonathan Marcus – Le 9 septembre 2015 – Source BBC