vendredi 18 décembre 2015

La criminalité financière s’est emparée de l’économie et de la finance. Le club des Cassandre

Ces trois dernières semaines ont été marquées par les massacres de l’État islamique à Paris et leurs conséquences sur les libertés fondamentales. Le juge d’instruction belge Michel Claise n’hésite pas à affirmer dans un entretien à la Libre Belgique du 5 décembre : « Le blanchiment d’argent et la corruption représentent 6 % du PIB mondial, soit des milliers de milliards d’euros. Sans criminalité financière, il n’y a pas de massacre au Bataclan. Tout est imbriqué. Ce qui s’est passé à Paris est un épiphénomène. Il va y avoir d’autres attentats ou des cyberattaques importantes, si l’on n’agit pas. On est dans une situation telle qu’on va prendre une vague en pleine poire. »
Depuis longtemps, on dénonce le financement occulte de ce nouvel État qui par la stratégie de l’horreur déstabilise tout le Moyen-Orient et répand la terreur en Europe et même aux États-Unis.

On désigne depuis longtemps l’Arabie Saoudite. La dépendance de l’Occident industrialisé aux hydrocarbures est telle que ce royaume féodal peut tout se permettre. Sa la loi est basée sur une conception rigoriste de la religion qui enferme son peuple dans un carcan tel que toute liberté est exclue, où la femme est réduite en esclavage.
On désigne depuis longtemps le Qatar, cet émirat gazier détenteur d’une immense manne financière qui lui donne la maîtrise de pans entiers de l’économie européenne, pratiquant l’esclavage et soumettant aussi son peuple au carcan de la religion.
On désigne depuis longtemps la Turquie dirigée par un parti religieux dont le chef est un apprenti dictateur aux ambitions démesurées qui instaure petit à petit la loi religieuse au détriment de la laïcité kémaliste.
Et Israël qui dérive de plus en plus vers l’extrême-droite joue un jeu ambigu à sa frontière syrienne. Et il est de notoriété publique que des combattants de Daesh sont soignés dans des hôpitaux israéliens, comme dans des établissements de soins en Turquie.
Tous ont donc une relation équivoque avec Daesh. L’aide financière provenant du royaume saoudien et/ou de grandes familles princières lui est essentielle et elle ne peut passer que par des circuits off shore. De même, la vente de pétrole par l’État islamique ne peut que prendre des circuits parallèles et son financement emprunte des filières illégales qui – par définition – échappent à tout contrôle international.
En outre, chacun sait que les bombardements effectués par la « coalition » sont inefficaces, meurtriers et générateurs indirects de terrorisme, alors que les grandes puissances ont les moyens de tarir, voire de couper ces circuits parallèles de financement et de récupérer l’argent « sale » qui y circule.
C’est donc la volonté qui n’existe pas. 
On peut même se poser la question : le souhaitent-ils vraiment ? C’est cela la culpabilité des puissances européennes et des EU.
Michel Claise constate : « C’est le cataclysme, la prise de pouvoir par les mafias, par l’argent sale. En Italie, 50 % de l’économie est dirigée par la mafia. Et si vous voulez tuer cette mafia, il faut s’en prendre à leurs avocats. Il n’y a pas de grande criminalité sans conseillers, institutions bancaires… Comme le dérèglement climatique, le dérèglement financier est irréversible. C’est la faute de l’homme et on ne peut plus faire marche arrière, mais on peut encore limiter la casse. Ce qui m’inquiète, c’est l’avenir des démocraties. Cette aggravation de la fracture sociale va entraîner des radicalisations et pas spécialement islamistes. »
Le juge d’instruction spécialiste de la criminalité financière, Michel Claise, met les pieds dans le plat dans son dernier ouvrage.

Pour le démontrer, le juge financier de Bruxelles vient de publier un ouvrage intitulé : Essai sur la criminalité financière – Le club des Cassandre.

Ce cancer mondial

L’ouvrage commence par le texte de « l’appel de Genève ». Il s’agit d’un texte signé le 1er octobre 1996 à Genève par sept magistrats européens dont le juge français Renaud Van Ruymbeke, le Belge Benoît Dejemeppe, l’Espagnol Balthazar Garzon Rea, l’Italien Edmondo Bruti Liberati, etc.
Cet appel est une mise en garde de la société contre la criminalité financière « qui s’est emparée de l’économie et de la finance dans des proportions inquiétantes, de l’impact de ce phénomène dans la démocratie et de la réticence des dirigeants à vouloir la combattre. Et de plaider pour la création d’un espace judiciaire européen qui permettrait une lutte décente et cohérente contre ce cancer mondial. »
L’auteur fait ensuite un relevé historique. La criminalité financière est née selon lui quand « les sociétés se sont organisées en un système reposant sur une structure politique, mêlant étroitement pouvoir et richesse. » Il prend pour exemple l’Athènes de Périclès, société organisée avec un système sophistiqué d’impôts où déjà régnaient la corruption et la fraude fiscale. Les marchands créèrent dans les îles ioniennes des paradis fiscaux pour échapper aux taxes portuaires des ports du Pirée. On croirait déjà vivre le système « off shore » des armateurs grecs contemporains en grande partie responsables de la crise grecque !
Tout était objet de fraude, même les Jeux olympiques… Platini et Blatter n’ont rien inventé !
Ces systèmes se sont répandus peu après dans la Rome de la république et de l’empire. Un magistrat, Cicéron, a lutté contre la fraude du gouverneur de Sicile, Verrès, et parvint à le faire condamner. Au Moyen-âge, les seigneurs et les paysans ne purent frauder la dîme (un dixième des récoltes dus à l’Église) sous peine des pires tourments. La fraude reprit lorsque se développèrent les villes.
La corruption s’est généralisée durant la Renaissance et sous le règne de Louis XIV, il y eut le scandale Fouquet accusé de fraude et condamné à la confiscation de ses biens et à l’exil ou emprisonné sous un masque de fer…
Au XVIIIe siècle, il y eut l’affaire de la Compagnie des Indes qui implique le célèbre poète Fabre d’Eglantine, ce qui le conduisit à la guillotine. Au XIXe siècle, il y eut l’affaire du canal de Panama où fut mêlé Ferdinand de Lesseps.
Au XXe siècle, la crise de 1929 permit le renforcement considérable des mafias. Le célèbre Al Capone (il y a un musée à son nom à Chicago !) outre sa violence inouïe fut un grand criminel financier. En France, en 1933, il y eut l’affaire Stavisky qui se « suicida » le 8 janvier 1934 à Chamonix. Michel Claise ne peut s’empêcher de reproduire le titre du Canard enchaîné à l’époque : « Stavisky s’est suicidé d’une balle tirée à trois mètres : voilà ce que c’est d’avoir le bras long ! »

Le temps des nouveaux chaos

Il y a donc dans l’histoire une constance de la criminalité financière. Cependant, d’après Claise, qui se réfère à l’historien Hobsbawn, si le XXe siècle a commencé en août 1914 avec la Première guerre mondiale, il s’est achevé en novembre 1989 avec la chute du Mur de Berlin. La grande rupture eut lieu à ce moment lorsque les Allemands venus de l’Est et ceux de l’Ouest se rencontrèrent librement pour la première fois à Berlin.

Il écrit : « Et pourtant cette date devenue symbole aux yeux des rêveurs se transforme en cauchemar, en nous faisant pénétrer brutalement dans le temps des nouveaux chaos, ceux des bouleversements économiques qui entraînent l’appauvrissement des classes moyennes, par la réduction du pouvoir d’achat la baisse des pensions… Le chemin qui mène au IIIe millénaire semble nous conduire droit vers un désastre. »
Cela rejoint ce qu’écrivait Naomi Klein en 2008 dans La stratégie du choc, [Chapitre 11 « Le feu de joie d’une jeune démocratie – La Russie choisit l’option « Pinochet », pp. 266 et suivantes] quand elle raconte comment les Occidentaux réunis à l’occasion d’un sommet G7 en juillet 1991 à Lancaster en Grande Bretagne où Mikhaïl Gorbatchev fut invité en tant que chef de la nouvelle URSS. Il y subit un diktat : vous devez appliquer immédiatement une thérapie de choc consistant en la libéralisation totale de l’économie soviétique sous le contrôle du FMI. Et ce n’est pas négociable ! Il n’eut aucune porte de sortie. L’URSS fut dissoute, Gorbatchev renversé au profit d’Eltsine qui imposa les réformes par un coup d’Etat en envoyant les chars bombarder le Parlement de Moscou appelé « la Maison blanche »
L’analyse de Michel Claise est complémentaire : « La dislocation du bloc communiste va créer, dans un premier temps, une apparence de progrès démocratique par le retour des libertés, mais va aussi lâcher, avec la force destructrice de flots libérés par un barrage, le flux des criminalités venant de l’Est : prostitution, trafics en tous genres et surtout blanchiment de l’argent des oligarques. »
Vient ensuite l’explosion des moyens de communication qui font « disparaître les frontières nationales de notre planisphère, le transformant en circonférence plane sur laquelle se balade désormais librement les professionnels de l’économie et de la finance, licites comme illicites, alors que les pays restent engoncés dans les murs de leurs frontières, peinant à réglementer la folie des marchés, et que les autorités fiscales et judiciaires se sentent bien incapable de lutter efficacement contre les criminalités financières internationales. »
Ainsi, observe-t-on un parallèle entre la déréglementation voulue par les tenants du néolibéralisme et l’augmentation de la criminalité financière qui atteint des proportions inégalées dans l’histoire.
Avec la crise des subprimes de 2007-2008, on s’aperçoit que ce sont les banques elles-mêmes qui organisent la fraude. « Le plus grand risque est celui qui pousse le néolibéralisme à favoriser le flirt entre l’économie licite et les entreprises pirates, pour tenter de combler les trous. »
Ainsi, peut-on se poser la question : « les entreprises pirates » ne prennent-elles le dessus sur l’économie « licite », à l’instar des flibustiers qui furent les maîtres des mers aux temps glorieux de la navigation des XVIIe et XVIIIe siècles ?
La solution ? Changer la société tout simplement ! Michel Claise cite là nouveau l’historien Eric Hobsbawn : « … la rançon de l’échec, c’est-à-dire le refus de changer la société, ce sont les ténèbres. »

Un essai de définition par sept marches

Mais qu’est-ce que la criminalité financière ? Les conceptions des uns et des autres sont foncièrement différentes. Aussi, Michel Claise propose de se baser sur le comportement des gens dans leurs relations économiques. En l’analysant, il met en évidence sept « marches » qui conduisent à la criminalité financière.
À défaut d’une définition, cette image des sept marches permet de bien cerner la question.
La première est banale et est gravée dans nos mœurs : c’est l’appel à un corps de métier pour une réparation. On le paye sans facture. Ainsi, on élude la TVA. Bah ! Ce n’est pas trop grave…
La seconde, c’est plus sérieux, mais tout aussi courant. On transforme sa maison et on fait appel à un entrepreneur qu’on paye en partie « en noir ». Et des indépendants font passer la partie « officielle » en frais professionnels… Ainsi, ironise l’auteur, une piscine se transforme par miracle en cloisons de bureau ! En outre, on ne prête aucune attention sur le statut des ouvriers qui creusent ladite piscine.
La troisième, c’est la corruption de fonctionnaires notamment pour des projets immobiliers. « Il se murmure qu’il n’existe pas de projets immobiliers d’envergure sans dessous de table à certains politiques pour l’obtention d’autorisations administratives. ». Ici, on est à la limite de la criminalité financière.
La quatrième, c’est l’évasion de fonds pour éviter les taxes et précomptes. Dans ce cas, le quidam qui cherche à planquer son magot est obligé de faire appel à des intermédiaires. Ainsi, se tissent des réseaux qui peuvent devenir mafieux.
La cinquième marche, c’est la fraude fiscale organisée comme ce qu’on appelle « le carrousel de la TVA ». Ici, il s’agit d’un comportement volontairement délictueux. C’est donc un élément de la criminalité financière.
Quant à la sixième, c’est l’argent généré par le crime (stupéfiants, traite des êtres humains, trafics d’armes, etc.).
Enfin, la septième, c’est le terrorisme qui nécessite de grands moyens financiers pour être « opérationnel ».
En conclusion, Michel Claise « ose » une définition : « [la criminalité financière est] une somme de comportements de personnes physiques, morales et de droit public, parfaitement conscientes de la transgression de règles pénales nationales et internationales en vue de l’appropriation par celles-ci de produits illégaux et de leur recyclage, par le biais d’entreprises licites ou occultes et par l’utilisation de moyens financiers classiques, ou tous autres moyens, y compris l’usage de la violence. »
Une nouvelle sorte de citoyens est née. Cette criminalité financière est tellement complexe, malgré son importance, qu’elle échappe à l’attention de l’opinion publique. Ce sont les lanceurs d’alerte qui jouent un rôle fondamental en dénonçant les pratiques frauduleuses comme l’Offshore leaks, Lux leaks 1 et 2 et Swiss leaks.
Face à cela, que peut faire la population ? Certes, les circuits de contestation classique comme les partis politiques et les syndicats sont totalement inopérants. Mais, comme l’observe Michel Claise : « Une nouvelle sorte de citoyens est en train de naître, ceux qui ont subi les conséquences sociales de la crise financière de 2008, qui ne supportent plus la vision de la fracture entre les mondes développés et en voie de développement – images des malheureux candidats à l’émigration échouant au large de Lampedusa –, qui s’intéressent enfin à l’information qui circule sur les raisons de ces déséquilibres, avec des mots comme blanchiment, évasion fiscale grave et organisée, paradis fiscaux… » 
Les héritiers des indignés de Stéphane Hessel. Ces indignés, notamment en Espagne : 
« … il s’agit pour ces citoyens de dénoncer les inégalités sociales, l’incompétence des gouvernants à y remédier, mais aussi la corruption qui gangrène les systèmes pourtant qualifiés de démocratiques. »

L’éthique : une denrée périssable

Ensuite, le juge-auteur dénonce la disproportion entre les entreprises multinationales qui disposent de moyens financiers colossaux et les petites et moyennes entreprises qui sont écrasées par des réglementations complexes et tatillonnes. Pourtant, selon Michel Claise, la simplicité et la transparence des règles sont des facteurs nécessaires à la croissance économique. Or, en matière sociale et fiscale, les entreprises arrivent difficilement à se conformer aux règlements. Et Claise d’avertir : « Pas facile pour lui [l’entrepreneur] de ne pas commettre une infraction pénale dans le cadre d’une gestion normale de son entreprise, sans pourtant développer la moindre intention criminelle. »
En corollaire, avec la recherche effrénée du profit, « l’éthique risque de se transformer directement en denrée périssable tant les tentations sont nombreuses. »
Le néolibéralisme et une fiscalité inadaptée et désorganisée sont les causes majeures de ce chaos qui génère misère et criminalité.
Ensuite, l’auteur évoque les chiffres relatifs à la criminalité financière. Ils sont vertigineux !
Citons-en quelques-uns : en UE, les profits de la traite des êtres humains représente 25 milliards d’euros par an… Et la Commission n’arrête pas de titiller les États pour des déficits dix fois moindres ! Et cela continue : le trafic des animaux sauvages de 18 à 26 milliards, des cigarettes, 10 milliards, le trafic d’armes légères de 150 à 250 millions. Une broutille, quoi ! La cybercriminalité entraîne des pertes annuelles équivalentes à 290 milliards d’euros.
Selon la Banque mondiale, la corruption représente 5 % du PIB mondial, soit quelque 2.600 milliards par an !
En UE, l’évasion et la fraude fiscale se montent à 1000 milliards d’euros, soit un coût annuel par citoyen européen de 2000 euros… Quant aux recettes de la TVA, 193 milliards ont été détournées en 2011, soit 1,5 % du PIB européen.
L’auteur dresse ensuite une liste des institutions qui, chacune de leur côté, luttent contre la criminalité financière. Il les appelle les « belligérants ». Cela va de l’OCDE en passant par le FMI et la Banque mondiale, l’Union européenne, le Conseil de l’Europe, l’ONU, etc.
Notons cependant que certaines de ces institutions œuvrent pour imposer le néolibéralisme partout. Il y a là une contradiction quand on sait que c’est la déréglementation néolibérale qui favorise la criminalité financière.
D’autres organismes sont moins connus comme Europol, Eurojust, Eurofisc, le GAFI, etc. Il y a également des ONG comme Transparency International. Et bien sûr, il ne faut pas oublier l’institution qui est sur le terrain : l’administration fiscale.
Un long chapitre est intitulé « forces et faiblesses de la répression » où le magistrat qu’est Michel Claise se pose des questions sur sa fonction de juge d’instruction.
La deuxième partie du livre est plus technique. L’auteur analyse les différentes catégories de « crimes » financiers comme la corruption, le blanchiment d’argent, le délit d’initié. Il se penche également sur les organisations criminelles.

Le fléau de la fraude sociale

Contrairement à une opinion assez répandue, Michel Claise considère que la fraude sociale est aussi grave que la fraude fiscale. « La fraude sociale est un mal endémique de notre société aggravé par la crise financière. »
Et, comme le démontre l’auteur, la fraude sociale n’est pas éloignée de la criminalité organisée : par exemple, l’arrivée clandestine de femmes provenant des pays de l’Est dans des « bars à champagne » où elles étaient contraintes de faire « boire » le client et en plus de nettoyer les locaux, en étant logée dans des greniers insalubres. Autre exemple, des mineurs que l’on fait travailler sur des chantiers, ou dans des fabriques textiles clandestines.
En plus de la fraude fiscale, un autre fléau est analysé par Michel Claise : la cybercriminalité qui est très diversifiée : cela va du faux appel à l’aide envoyé par courriel au skimming qui consiste à falsifier un document électronique, par exemple une carte de crédit qui est clandestinement reproduite avec son code à l’insu de son propriétaire. Il y a aussi le phishing qui consiste à prendre clandestinement des données confidentielles dans l’ordinateur d’une société ou d’un particulier. Et bien sûr, last but not least, le hacking ou le piratage informatique.
Et pour compléter le tableau, n’oublions pas la contrefaçon.
Cet éventail des infractions en matière financière est loin d’être exhaustif. Il faut y ajouter les plus « classiques » comme l’escroquerie et le faux et usage de faux. Tous ces comportements forment donc en partie le puzzle de la criminalité financière. En plus, ils montrent que l’homme a une imagination débordante pour flouer son prochain !

Créer une, deux, trois Islande !

Et on arrive à la conclusion de ce long inventaire critique de la criminalité financière qui est peut-être une calamité aussi grave que la faim dans le monde. Michel Claise écrit : « Quel carnage social que celui qui fit suite à l’effondrement de la pyramide factice des produits immobiliers surévalués made in USA ! Et le chantage qui s’ensuivit : à défaut de soutenir les banques, seules responsables de cette situation, et malgré leurs erreurs et leurs manœuvres dolosives pour s’en sortir (…), leurs dirigeants brandirent aux ministres des pays aisés l’épouvantail de leur faillite et brossèrent le tableau mortifère d’une crise sociale sans précédent qui en découlerait. Que firent les politiciens ? Ils cédèrent ! »
Sauf l’Islande ! ajoute le juge-auteur. Elle a laissé les banques aller à la faillite et a instauré un contrôle des capitaux. Dans les autres pays, les banques ont été renflouées sans aucun contrôle interne.
Et Michel Claise conclut sans appel : « Si la faiblesse des États est devenue telle qu’ils sont désormais dominés par l’omnipotence du pouvoir financier qui ne leur a guère, en 2008, laissé de choix ? (…) La dérive financière s’accompagne en outre de l’explosion de sa criminalité et des terribles conséquences qui en découlent. » Et il ajoute plus loin : « Ces deux phénomènes s’entrecroisent donc, liés malheureusement par les mêmes intérêts. Alors se pose cette terrible question : la lutte contre cette hydre ne serait-elle un combat perdu d’avance tant les armes sont inégales ? »
Les méthodes violentes utilisées par les tenants du néolibéralisme, comme on l’a récemment vu avec l’écrasement de la Grèce, ce que Naomi Klein appelle la stratégie du choc, sont identiques à celle des criminels et plusieurs indices tendent à montrer qu’ils sont en cheville sinon carrément associés.
La riposte est-elle possible ? Pour Michel Claise, il faudrait disposer de moyens colossaux. Certes, mais l’Islande y est arrivée, comme il l’a montré. Et la nouvelle sorte de citoyens qu’il a évoqués sont-ils devenus muets ?
Ernesto Che Guevara voulait mondialiser sa lutte. Face à la mondialisation néolibérale et son corollaire la criminalité financière, ne faut-il faire de même ?
Alors, pourquoi – à l’instar de Che Guevara – ne pas créer une, deux, trois Islande ? N’est-ce pas le même combat, après tout ?

Pierre VERHAS